Une odyssée Ordinaire
2022
Rose-Marie est décédée en 2018. Née en 1923, elle étudie la photographie au début des années 40. Rapidement mariée après son apprentissage, elle n'exercera jamais son métier. Durant les vingt dernières années de sa vie, elle produit une masse d'images d'une troublante banalité, révélant d'une part son quotidien intime et les moments de solitude d'une personne âgée dans son espace domestique, et trahissant d'autre part le regard et les obsessions d'une photographe qui s'obstine à observer son environnement. De ces images il y a quelque chose de l'ordre de la libération et de l'autonomie qui se dégage.
Mais à qui destinait-elle ces images ? Est-ce une manière de marquer le temps qui passe ? Dans sa solitude, l'appareil photo se métamorphose, probablement en une sorte de compagnon, de témoin. Le résultat est une sorte de journal intime de la trivialité.
J'ai récupéré les archives de Rose-Marie, qui comprennent entre 12 000 et 15 000 images couvrant les vingt dernières années de sa vie. L'épreuve inhérente à la plongée dans un corpus d'images aussi important met en lumière certaines questions que j'aimerais approfondir. La question de l'archive numérique, bien sûr, mais aussi d'autres questions telles que : Que reste-t-il de l'existence d'une personne lorsqu'elle a disparu ? À quoi se résume finalement une vie ? Comment racontons-nous nos histoires et comment nous présentons-nous à travers des images ? Et sur le plan narratif, que pouvons-nous faire de cet ordinaire ?
Le film, construit à partir de cette archive tente de dresser un portrait de ce personnage "en creux". Ces images sont comme un costume ou un texte qu'un acteur revêtirait pour interpréter un rôle. Mon vécu et mes interrogations sur la production d'images et la vie se mêlent à la biographie de Rose-Marie. Je souhaite proposer au spectateur une réflexion sur le temps qui passe, la condition féminine, le monde numérique, la filiation, le quotidien ; autant de thèmes entremêlés que ces images ont le pouvoir d'aborder.
Rose-Marie died in 2018. Born in 1923, she studied photography in the early 1940s. She was soon married after her apprenticeship, but never practised her profession. During the last twenty years of her life, she produced a mass of images of a disturbing banality, revealing on the one hand her intimate daily life and the moments of solitude of an elderly person in her domestic space, and on the other betraying the gaze and obsessions of a photographer who persists in observing her environment. There is something of the order of liberation and autonomy that emerges from these images.
But for whom did she intend these images? Is it a way of marking the passing of time? In her solitude, the camera metamorphoses, probably into a kind of companion, a witness. The result is a kind of diary of triviality.
I recovered Rose-Marie's archives, which include between 12,000 and 15,000 images covering the last twenty years of her life. The ordeal inherent in immersing oneself in such a large corpus of images highlights certain issues that I'd like to explore further. The question of the digital archive, of course, but also other questions such as: What remains of a person's existence when they have disappeared ? What does a life ultimately boil down to ? How do we tell our stories and present ourselves through images ? And in narrative terms, what can we make of this ordinary ?
The film, based on this archive, attempts to paint a portrait of this character "in hollow". These images are like a costume or a text that an actor would put on to play a role. My experiences and my questions about the production of images and life are interwoven with Rose-Marie's biography. I want to offer the viewer a reflection on the passage of time, the female condition, the digital world, filiation and everyday life - all intertwined themes that these images have the power to address.